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Dossier: Monster Hunter, les origines

Posté par Heartless le 22 mai 2018 - Catégories: Dossiers

Si Monster Hunter World se place aujourd’hui à la première place du podium des jeux les plus vendus chez Capcom avec plus de 7,9 millions d’exemplaires dans la nature, il n’en a pas toujours été ainsi. Parce que la nostalgie a parfois du bon, on vous propose aujourd’hui de remonter dans le temps, de creuser un peu et de ressortir un fossile vieux de presque 15 ans, le tout premier Monster Hunter sur PlayStation 2, l’origine du mythe. 

 

Osaka, début des années 2000, dans les bureaux de Capcom, les cerveaux bouillonnent, et pour une bonne raison. La nouvelle génération de consoles tout juste démarrée promet enfin d’offrir une performance de taille: pouvoir jouer en réseau avec des joueurs du monde entier. Si l’heure est au brainstorming chez Capcom, c’est parce qu’il ne faut pas rater cette occasion d’entrer dans le monde moderne des jeux vidéo connectés. D’autres l’ont fait après tout, SEGA venait tout juste de sortir en grande pompe son Phantasy Star Online sur Dreamcast et prouvait au marché que malgré un parc ADSL plus qu’anecdotique en Occident, le jeu en ligne sur console de salon était bel et bien une -coûteuse- réalité. 

Et ce n’était pas comme si les mastodontes du marché, Sony et sa PlayStation 2 ou l’outsider Microsoft et sa XBOX se la coulaient douce, les deux ayant d’ores et déjà annoncé leur volonté de se lancer dans la course, l’un avec un appendice externe à ajouter à la console, l’autre avec tout le nécessaire intégré directement dans le hardware. Capcom n’avait pas d’autre choix que de se laisser emporter par la vague du multijoueur online, de préférence avec Sony, le leader du marché de l’époque.

Très vite, des projets commencent à germer dans la tête des développeurs d’Osaka. C’est décidé: une partie des équipes de Capcom, le Production Studio 1, se lance alors dans le développement  simultané de trois jeux. Le premier est une valeur sûre: Resident Evil (ou Biohazard au Japon), une des licences les plus fortes de la firme. L’épisode online, baptisé Resident Evil Outbreak, sortira en 2003 au Japon et en 2004 en Europe, dénué de son mode online et perdant ainsi tout son intérêt dans nos vertes contrées bercées à l’Internet 56k. Un premier balbutiement que l’on ne qualifiera pas forcément de succès, malgré le cap du million d’exemplaires vendus.

Mais Resident Evil ne sera pas seul car un autre projet émerge, et nouveau celui-ci. Il s’agira d’Auto Modellista, un jeu de course tout en cell-shading jouable jusqu’à deux joueurs en ligne et qui débarquera dès 2003 au Japon et en Europe. Là encore, le jeu ne déplace pas les foules et nombre de joueurs en ont oublié la courte existence, mais il faut noter que dans l’équipe de développement, on trouve un certain Ryozo Tsujimoto, fils de Kenzo Tsujimoto et accessoirement grand patron de Capcom… 

Auto Modellista ici sur émulateur

Le troisième projet online PlayStation 2 du Production Studio 1 sera bien celui qui nous intéresse, Monster Hunter. Aux commandes, Tsuyoshi Tanaka (Devil May Cry 2-3) sera Producteur et Noritaka Funamizu (Street Fighter) officiera en tant que Producteur exécutif, mais déjà la direction artistique et la création du monde est confiée à un petit nouveau, Kaname Fujioka, dont le nom vous est désormais sûrement aussi familier que son confrère Ryozo Tsujimoto. L’équipe de développement se met rapidement au travail avec une vague idée de jeu d’action online mais le postulat de départ reste alors très simple: faire équipe pour affronter un monstre.


A partir de là, il faudra deux années de brainstorming pour arriver au concept de ce qui deviendra notre Monster Hunter. Le jeu a d’abord été imaginé dans un monde beaucoup plus « fantasy » traditionnelle, la magie faisant intégralement partie de l’univers; on proposait alors au joueur d’incarner ce qui se rapprochait d’avantage d’un chasseur de prime que d’un chasseur à proprement parler, avec un système de récompenses mises sur la tête de certaines créatures à abattre. Le rapport particulier à la faune et à la flore, si cher à Fujioka-san, n’était pas encore d’actualité, et l’une des premières vidéos concept du jeu montrait simplement des chasseurs posant des pièges à un dragon  rouge au design très générique gardant soigneusement un trésor. On est encore très loin du Monster Hunter que l’on connaît, même si déjà, il fallait récupérer des écailles et des carapaces sur les dépouilles des monstres afin d’en faire des équipements. 

Mais Fujioka-san recentre rapidement le world-design sur le personnage principal de cette épopée: la Nature. Les monstres fantastiques deviennent alors des animaux, des forces de la nature, s’inspirant de créatures vivantes en mélangeant des espèces existantes. Par exemple l’ancêtre du Lao-Shan Lung était à l’origine muni d’élytres à la manière d’un scarabée, comme en témoignent certains dessins préparatoires issus de l’artbook Monster Hunter Illustrations. Le développement du titre avance à grand pas, ponctué notamment par le premier monstre finalisé -la Rathian- ou la dernière arme implémentée dans le jeu: l’Epée et bouclier, juste avant la fin du développement. 

Les premières ébauches de monstres étaient beaucoup moins réalistes que dans le jeu final

La première vidéo du jeu est présentée à Los Angeles le 12 mai 2003 à l’occasion de l’E3 par le producteur Tsuyoshi Tanaka lui même, sans préciser le support de sortie. Le jeu présente toutefois des différences notables avec la version finale, avec notamment de nombreuses zones  manquantes ou différentes par rapport à ce qui deviendra la « Forêt et Collines », ou encore un design du Gypceros pas encore finalisé. Seulement deux armes sont alors présentées, la Grande épée « Agito » et le Fusarbalète lourd, et même si l’on aperçoit furtivement une ébauche de lance, ce n’est pas la diversité d’arme qui marquera les spectateurs de ce premier trailer en date. Mais qu’importe, la presse de l’époque accueille le projet avec enthousiasme, et les graphismes du titre impressionnent particulièrement, comme en témoigne alors IGN « les environnements sont exceptionnellement détaillés, luxuriants et magnifiques » . Il faudra attendre juillet 2003 pour que le magazine japonais Famitsu dévoile au public que ce sera bel et bien la PlayStation 2 qui accueillera le projet, puis septembre 2003 pour découvrir un nouveau trailer au Tokyo Game Show, bien plus proche de la version finale cette fois-ci.

Monster Hunter E3 2003 Trailer
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C’est le 11 mars 2004, presque un an après sa première présentation publique, que Capcom sort Monster Hunter au Japon et en profite pour rafler le titre de « Jeu de l’année » décerné par le CESA, le syndicat des éditeurs de jeu-vidéo japonais et un honnête 32/40 de la part de Famitsu. Une bien belle façon de commencer pour une licence qui – on le rappelle – était entièrement nouvelle et inconnue du public. La version finale japonaise du titre contiendra au total 17 grands monstres à affronter, dont 3 dragons anciens (Kirin, Lao-Shan Lung et Fatalis) et 6 types d’armes: Grande épée, Epée et bouclier, Lance, Marteau, Fusarbalète léger et lourd. Le jeu refait une apparition à l’E3 en mai 2004, avec cette fois-ci une version occidentale jouable et une promesse de sortie en Amérique du Nord sans être amputée de son précieux mode online, ouf. En inspectant un peu les premiers kit presse de cette époque, on découvre également des proto-noms de monstres bien connus aujourd’hui, comme le Lyancook (Yian Kut-ku), le Dosgenepous (Gendrome) ou le Ganototous (Plesioth). La localisation du soft se déroule cependant assez rapidement puisque Monster Hunter débarque le 21 septembre 2004 en Amérique du Nord, soit 6 mois après la sortie japonaise avec en prime un nouveau type d’arme: les Lames doubles.

Le premier contact des joueurs européens avec la série se fera en février 2005, lors de la sortie de l’excellent Devil May Cry 3 sur PlayStation 2, la jaquette du jeu comprenait en effet un disque de démo du jeu, qui ne tardera ensuite pas à sortir puisque Monster Hunter arrivera en Europe le 26 mai 2005. 

L’accueil de la presse française sera alors relativement correct, Jeuxvideo.com lui octroyant un bon 15/20 tandis que JeuxActu et Gamekult ne lui accorderont respectivement que des médiocres 11/20 et 5/10, le dernier cité saluant tout de même « une touche artistique indéniable » de son univers. Monster Hunter n’aura cependant pas brillé par sa présence en rayon et il était déjà difficile d’en trouver la semaine de sa sortie en mai 2005. Malgré cela, une petite communauté française se crée sur les forums des principaux sites généralistes. Plus d’une décennie plus tard, le jeu culmine à un metascore de 68% sur le site Metacritic, score principalement obtenu à partir des reviews nord-américaines.

Il faut cependant prendre le temps de se  remettre à la place des chasseurs de l’époque, Monster Hunter bénéficiait d’une traduction française, certes, mais partielle dans la mesure où tous les objets du jeu étaient en anglais. Il fallait donc jongler entre le français et la langue de Shakespeare et partir à la recherche de « Raw meat » afin de créer rapidement des « Well-done steak » dans les premières heures de jeu. 

La partie online était également loin d’être parfaite (le Hunting Rank était d’ailleurs limité à 20) et l’utilisation d’un clavier USB était franchement recommandée, surtout quand il fallait se préparer avant une quête particulièrement difficile comme un double Diablos ou un Fatalis. Le jeu en ligne était cependant ponctué de quelques quêtes événements ou de promotions spéciales (le fameux « Claw day », où les griffes de wyvern étaient à prix réduit), ce qui permettait de maintenir la petite communauté européenne active. Globalement, il faut bien se rendre compte que l’ergonomie du jeu et les features « quality of life » n’étaient pas forcément au rendez-vous, les attaques se faisaient au stick droit et la caméra n’était contrôlable que par l’intermédiaire de la croix directionnelle, sans parler des taux de loot franchement aberrants de certains composants (une Plaque Rathalos avait 1% de chance de tomber sur une queue coupée). 

La partie Online de Monster Hunter sur PlayStation 2 s’éteindra finalement le 31 décembre 2007, après plus de deux années de bons et loyaux services. 

Monster Hunter sur PlayStation 2 aura donc posé la première pierre de l’imposant édifice construit par Capcom au fil des années et haut actuellement de 48 millions d’exemplaires vendus. Il donnera naissance à une suite/add-on  exclusive au Japon dès 2005 en la personne de Monster Hunter G (pour « Great »), lui aussi sur PlayStation 2 et rajoutant au passage enfin les Lames doubles, le rang éponyme et les sous-espèces. Monster Hunter Portable/Freedom suivra rapidement sur la toute nouvelle PlayStation Portable de Sony et deviendra le premier million-seller de Capcom sur la console, permettant à la série de devenir le phénomène que nous connaissons aujourd’hui. 

Monster Hunter restera aussi pour certains d’entre nous notre première expérience dans le monde sans pitié imaginé par Capcom et malgré son grand âge -presque 15 ans-, ses nombreux défauts et ses mécanismes d’une époque heureusement révolue, le jeu conserve un certain charme brut et une puissance contemplative qui restera dans la mémoire de ceux qui y ont joué.

Sources: Capcom Unity, Capcom Europe Press, Capcom Investor Relations, Monster Hunter Illustrations, Wikipédia, MHWiki, IGN, Gamekult, JeuxActu, Jeuxvideo.com.

Rédigé par Heartless

Fondateur de MonsterHunter.fr et chasseur depuis 2005 (pfou) avec la même (in)efficacité, toujours partant pour se repaître de quelques bières entre deux chasses. Râleur invétéré et d'humeur souvent moqueuse, surtout le ventre vide, mais aussi et surtout amateur de blagues de bon goût.


6 commentaires

  1. RAYZORX09 dit :
    22 mai 2018 à 21 h 35 min

    Magnifique article ! Quelle nostalgie quand je repense à la première fois que j’ai joué à un MH…

  2. Super intéressant, avec quelques anecdotes que je ne connaissais pas ^^

  3. acheté le jeu à sa sortie, joué une heure, jamais retouché puis revendu tellement je comprenais rien au gameplay.

    Si on m’avait dit ce jour là que cette série deviendrait ma favorite (avec les soulborne), et que je rachèterai ce jeu plus tard juste pour la collection, j’aurai arrêté les jeux vidéos direct XD

  4. Je n’oublierai jamais ce trailer de 2003. Avec mon frère on se l’ai regardé des 10aines et des 10aines de fois, fantasmant sur tout le potentiel du concept. Ce fut là le début d’une longue, très longue attente jusqu’à la sortie du jeu chez nous. Et de bien d’autres attentes ensuite avec le décalage des sorties japonaises et européennes…
    Le fait que ce soit la nature qui soit mise en avant a toujours été un des point sinon le point fort de la licence, même si le produit final était quand-même très différent du premier trailer. Quand je revois ce trailer avec les dolmens, les hautes herbes, la forêt luxuriante, j’ai non-seulement un gros coup de nostalgie mais il me plaît également à rêver que nous puissions un jour revoir ces vieilles maps entièrement repensées pour correspondre à la norme actuelle. Pas aux dépends de nouveauté bien entendu, mais en bonus (c’est beau de rêver !). Un dlc Monster Hunter Ancient World, ça vous tenterait ?

  5. SpiderPoulet dit :
    25 mai 2018 à 13 h 11 min

    Super article!
    Je joue depuis freedom et j’apprend seulement maintenant que le G veux dire Great haha merci de l’info

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